La France ira-t-elle au bout de son engagement à protéger les personnes persécutées dans leur pays ?

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En France, la demande d’asile reste mesurée

En 2018, 122 743 personnes ont demandé la protection de la France, soit une hausse de 22% alors que la demande d’asile baisse en moyenne de 13% en Europe. Cette augmentation a créé un émoi dans le monde politique. Mais face à la demande d’asile, la France est très loin d’avoir pris sa part depuis la crise de 2015, si l’on tient compte de ses 67 millions d’habitants. Chaque année en moyenne, entre 2015 et 2017, elle a enregistré 1 700 demandes par million d’habitants ce qui ne la place qu’au 13ème rang européen. Et en termes d’accord, elle est encore plus mal placée (17ème rang) car elle n’intègre qu’un demandeur sur trois.

L’Union Européenne peine à se coordonner

On sait que depuis 2015, avec l’afflux des migrants en Europe, le nombre de demandeurs d’asile accueillis a été très variable d’un pays à l’autre. L’accueil en Suède et en Allemagne a été massif, ce qui n’a pas du tout été le cas en France. L’augmentation de la demande d’asile, opérée en 2018 en France comme en Espagne, en Belgique et au Royaume Uni, n’est qu’une amorce de rééquilibrage entre les pays européens. Ce mouvement reste mineur et ne résulte en rien d’une coordination entre les différents pays européens. Il est simplement dû au flux de demandeurs d’asile qui circulent dans l’UE pour obtenir une protection.

La France, un pays de rebond

Les demandeurs déboutés dans les pays les plus accueillants peuvent, après ce refus,  demander une protection dans un autre pays de l’Union Européenne, par exemple en France. C’est la raison du décalage dans le temps de l’augmentation relative des demandes dans notre pays. Pour rappel, la France fait partie des « pays de rebond ». C’est le résultat de son attitude vis-à-vis de la proposition Junker (répartition des demandeurs par quota dans les pays de l’UE)  au moment de l’afflux des réfugiés en 2015, qu’elle avait préféré éluder, comme d’autres états de l’UE. La France et ces états ont laissé les pays frontaliers de l’Union, ou les plus accueillants, en particulier l’Allemagne et la Suède, absorber le plus gros de l’effort d’accueil. L’échec d’une coordination européenne a par ailleurs laissé un vide juridique. Faute d’accord européen sur le traitement et la répartition des demandes d’asile, les personnes qui ont reçu un refus dans un pays européen peuvent faire une demande dans d’autres pays. Notamment en France.

Droit d’asile et maîtrise des flux

Au niveau du gouvernement, on s’inquiète de l’augmentation du nombre d’accords donnés aux demandeurs d’asile par l’administration française spécialisée, l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), un organisme doté d’une certaine indépendance. L’OFPRA doit accueillir les réfugiés selon les principes de la Convention de Genève et n’a pas à recevoir d’instruction en termes de nombres de réfugiés de la part du gouvernement. Un changement de direction de l’OFPRA est en cours. Emmanuel Macron a désigné en février 2019 Julien Boucher, ancien Directeur des affaires juridiques du ministère de l’écologie pour diriger l’OFPRA. Les associations du secteur avaient craint la nomination d’un ancien préfet, signe d’une reprise en main par le ministère de l’intérieur mais Emmanuel Macron l’a répété : « le droit d’asile ne saurait être remis en cause ». En principe, l’Office examine « en toute impartialité » les demandes d’asile, sans obéir à la moindre « instruction » politique.

En 2018, la France a connu une croissance du nombre de protections données. Bien que l’exécutif s’en soit inquiété, notre pays reste loin derrière d’autres pays dans le palmarès des pays de l’UE les plus accueillants. L’asile ne doit pas répondre à une logique de maîtrise des flux. Les événements internationaux font varier la demande d’asile. En 2015 et 2016 la guerre en Syrie a provoqué un afflux de demandes d’asile qui baisse progressivement. Selon l’article 1, A, 2 de la Convention de Genève, une protection sera donnée à « celui qui craint avec raison d’être persécuté en raison de sa race, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou ne veut en raison de cette crainte, se réclamer de la protection de ce pays. ». Doit-on fermer la porte à ceux-là en raison d’une demande qu’on voudrait maîtrisée ? Si l’UE aurait intérêt à s’entendre sur la répartition des demandes, il lui est impossible de décider du nombre de personnes qui viendront demander une protection. Ce nombre n’est pas plus maîtrisable que ne l’est la naissance des conflits sur la planète.

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