La Maison Bakhita, lieu ressource pour les personnes exilées

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Tandem Réfugiés travaille en collaboration régulière ou ponctuelle avec plusieurs associations laïques ou confessionnelles, lorsque leurs prestations sont de nature à aider les personnes accompagnées par Tandem, et sous réserve qu’elles partagent la même éthique que Tandem. C’est le cas de la Maison Bakhita, avec sa cuisine ouverte, ses ateliers de couture, de bricolage, de peinture…et sa crèche.

Il existe de très nombreux opérateurs dans le secteur de l’accueil des personnes exilées, confessionnels ou laïcs. Vous découvrirez d’autres acteurs dans les prochaines newsletters.

Ouverte en septembre 2021 dans des locaux du diocèse de Paris, elle est située en plein dix-huitième arrondissement, dans sa partie multiculturelle et pluriethnique. C’est un endroit où des personnes exilées rencontrent des bénévoles et où elles peuvent se former, participer à des activités ou simplement venir prendre un café.

Bakhita, d’où vient ce nom ?

Joséphine Bakhita, née autour de 1869 au Soudan, fut enlevée dans son village à l’âge de 7 ans, vendue comme esclave de marchands en marchands, puis achetée par le consul d’Italie à Khartoum qui lui permit de s’instruire. Elle se convertit au catholicisme, rentra dans les ordres et fut canonisée en 2000. Son parcours d’exil, d’espérance et de résilience est un modèle identificatoire et inspirant : « Elle est noire comme nous », a dit un couple africain à la directrice de la Maison, Isabelle Cauchois.

Des activités pour accompagner, donner confiance, former et créer du lien

Dans cette maison chaleureuse, portée par l’association qu’a créée le diocèse de Paris, 1200 personnes exilées ont déjà été accueillies depuis l’ouverture, de 59 nationalités différentes (la première communauté issue d’Afrique de l’Ouest, la seconde d’Afghanistan). Elles sont venues par le bouche-à-oreille ou ont été envoyées par les structures, associations, paroisses qui œuvrent auprès des exilés.

L’une des missions de l’association est de leur proposer un accompagnement, des activités et des services ouverts à tous et toutes, sans conditions, qu’il s’agisse d’utiliser la cuisine ouverte le lundi après-midi, très utile pour ceux qui ne peuvent pas cuisiner parce que logés dans des hôtels sociaux, ou encore de consulter gratuitement un psychologue ou de participer à l’un des ateliers et activités proposés.

Ateliers et activités sont organisés en différents pôles : le pôle intégration avec des ateliers de conversation et des cours de français langue étrangère (FLE) – 20 par semaine, depuis l’alphabétisation jusqu’aux cours de FLE niveau B1. Ce pôle comprend aussi de l’accompagnement vers l’emploi.

Le pôle compétences propose une formation cuisine professionnalisante, assurée par trois salariés d’une association partenaire avec un niveau équivalent au CAP. L’association « Aux captifs la libération » propose un atelier de couture pour des personnes issues de la rue. Ainsi, 8 femmes apprennent le métier de couturière et réalisent des objets commandés par des particuliers ou des entreprises. Les ateliers bricolage, peinture en bâtiment et numérique permettent également d’acquérir des compétences.

Des activités socioculturelles – peinture, sport, théâtre, jeux, animations etc. – ont pour but de créer des liens avec d’autres, de se socialiser et de prendre du temps pour soi.

À la crèche, gérée par Auteuil Petite Enfance, 5 professionnelles accueillent chaque jour 13 enfants. C’est le seul service payant : 40 centimes de l’heure, pris en charge par la Maison Bakhita si les parents ne peuvent supporter les frais.

Au-delà de l’accueil, une mission de coordination

Outre l’accueil des exilés, la première mission de la Maison Bakhita est de coordonner sur Paris et d’accompagner tous les acteurs du réseau catholique présents auprès des exilés par des formations, l’animation du « Réseau Exil » qui compte une vingtaine de structures, des grandes comme le Secours Catholique ou des plus petites. La Maison Bakhita a par exemple organisé fin novembre avec le Secours Catholique de Paris, l’Œuvre d’Orient, JRS France et Solidarités Saint-Bernard, un forum des acteurs de terrain sur l’emploi, pour échanger des expériences et ouvrir des perspectives.

Pour faire tourner la Maison Bakhita, Isabelle Cauchois, sa très dynamique directrice, est entourée de deux autres salariés et de deux religieuses. Ces dernières vivent dans la maison, sont intégrées à l’opérationnel, écoutent et prennent soin de toutes et tous ; 80 bénévoles assurent l’accueil, l’accompagnement et l’animation des activités proposées aux personnes exilées. Les ressources financières proviennent du diocèse, de fondations, d’entreprises.

Si le bilan est plus que positif au terme de deux années d’existence, « on peut encore faire beaucoup, la maison est grande, et l’idée est de développer des partenariats avec d’autres structures », indique Isabelle Cauchois. La difficulté est de connaître tous les acteurs et de se faire connaître auprès d’eux et des réseaux, d’informer un maximum de bénévoles des associations. Cela prend du temps.

Par ailleurs, l’équipe est, comme d’autres structures intervenant auprès des exilés, confrontée à une certaine volatilité du public. Il peut y avoir au départ huit personnes dans un atelier, puis seulement deux. Il ne suffit pas d’avoir une offre, il faut faire en sorte que les gens viennent. Et il faut comprendre qu’il est difficile pour les exilés d’aller dans un lieu qu’ils ne connaissent pas, avec des gens qu’ils ne connaissent pas non plus. Ainsi, venir utiliser la cuisine partagée nécessite une démarche, ça prend du temps, ce n’est pas évident, même si le bénéfice immédiat est de mieux manger.

Le plus important, souligne Isabelle Cauchois, est que l’on se sente bien dans cette maison ; l’hospitalité est le maître mot. « La moitié du travail d’un bénévole est d’être dans une relation d’hospitalité », de même qu’il est important d’instaurer une relation d’égal à égal avec les personnes exilées. « Ici, c’est notre maison », lui ont dit plusieurs d’entre elles. « On a réussi quelque chose, on a réussi à leur donner une place. Ici, elles sont attendues, on a un devoir d’espérance envers elles », conclut-elle.

Propos recueillis par Marie-Agnès

Décembre 2023

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