Hazem, un jeune homme qui dessine son avenir

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Comme Hazem vient juste de terminer ses études, il se sent enfin libre. Ce jeune Syrien de 25 ans est né à Damas, où son père, chirurgien cardiaque, travaille toujours. Rana, sa mère, professeur et psychanalyste, venait régulièrement en France pour participer à des colloques. En 2015, après quatre ans de guerre, elle saisit l’opportunité de demander l’asile, pour elle et pour protéger ses enfants. Aidés par Blandine, la future présidente de Tandem, Hazem, 17 ans à l’époque, et sa sœur Rita rejoignent leur mère grâce à la procédure de réunification familiale. En Syrie, la famille subissait le conflit armé, mais Hazem précise : « A Damas, il y avait moins de difficultés que dans d’autres villes, même si j’ai été témoin d’explosions, de tirs. Ça peut paraître étrange, mais on essayait de garder une vie saine au milieu de cette violence. Rita et moi avons rejoint notre mère un an après son arrivée ici, avec un visa de court séjour ».

Saisir une première chance

Hazem raconte : « J’ai eu mon bac en Syrie, où les notes obtenues déterminent les formations auxquelles on peut accéder, dans mon cas des études d’architecture ». Arrivé en France et ne connaissant pas un mot de français, il s’oriente vers des études de design. En 2017, il intègre un programme express à l’ENSCI (École Nationale Supérieure de Création Industrielle) avec le soutien de l’association Pierre Claver. Depuis 2008, cette association œuvre à l’intégration des réfugiés, avec des programmes leur permettant de progresser vers des objectifs réalistes. Les actions sont variées : classes de langue, ateliers de culture générale (histoire de France, de la laïcité et des institutions, analyse de l’actualité, poésie), activités artistiques et sportives, sorties et rencontres. Les élèves qui entreprennent des études supérieures peuvent recevoir des bourses financées par des entreprises partenaires et bénéficier de conseils d’orientation, et ils sont suivis par un mentor jusqu’à leur premier emploi.

Grâce à l’association Pierre Claver, Hazem accède à un cursus Erasmus à l’ENSCI, en tant qu’étudiant invité, sur le sujet « Objet industriel dans l’espace ». Mais cette formation ne lui convient pas vraiment, et il ne se présente pas au concours : « Toutefois cette école m’a beaucoup apporté, tant pour l’apprentissage du français, que pour l’enseignement scolaire complété le soir par diverses activités culturelles ».

Une bourse d’études : encore une chance

Hazem postule à l’école Camondo (École d’Architecture d’Intérieur et de Design). Il intègre une année préparatoire financée par le programme « Égalité des chances ». Mis en place par l’école, ce dispositif attribue une bourse selon des critères sociaux (jusqu’à 75 % des droits de scolarité pris en charge) à des étudiants admis en cycle préparatoire. L’aide peut être reconduite chaque année suivant l’engagement de l’étudiant et sa situation financière. Hazem explique : « Grâce à Margaret Iragui, la directrice pédagogique, j’ai été admis pour un cursus de cinq ans. Ces études m’ont beaucoup plu. Pendant trois ans, on travaille sur l’aménagement d’appartements, de cafés, de lieux publics…En 3e année, on apporte sa propre vision aux projets. En 4e année, on aborde le design d’objets, la scénographie, des sujets libres…J’ai ainsi réalisé un dossier autour de divers objets : bureau, table, transat, chaises, ainsi qu’un mode d’emploi déclinable en de multiples options, permettant à d’autres de fabriquer ces objets avec divers matériaux, du bois au métal cintré, ou toutes autres options ».

Hazem rédige son mémoire de fin d’études sur le thème du Paysage urbain de Damas, concevant plusieurs étapes de métamorphoses de sa ville d’origine. Il obtient son diplôme en 2023, et enchaîne avec un stage dans le prestigieux studio parisien de Jean Nouvel à Paris, en tant que graphiste 2D et 3D : « Le cadre était amical, les équipes jeunes et très internationales : 130 étrangers sur 180 architectes. Maintenant, je suis à la recherche d’un emploi dans ces domaines qui me passionnent. J’ai toujours mes couleurs et mes carnets avec moi, et dès que je sors, je dessine ».

Gratitude envers les associations

Hazem sait ce qu’il doit aux associations, d’abord à Pierre Claver, pour la culture, les cours de français et d’histoire, ainsi que la bourse qui lui a permis de financer ses études.

Tandem Réfugiés a accompagné sa mère Rana dès 2015 et a particulièrement aidé Hazem à son arrivée en France, et pour les débuts de sa vie d’étudiant : « On m’a mis en contact avec Flavie, chez qui j’ai travaillé sur un intéressant projet de bateau. J’ai participé à des sorties, aux Cafés Tandem. J’ai été à l’origine du groupe WhatsApp de l’association. Même cette photo a une histoire : je devais compléter mon CV, mais il manquait une photo. Blandine m’a prêté une chemise, a pris ce cliché que j’ai ensuite utilisé pour toutes sortes de dossiers ».

Hazem sait qu’il a eu de la chance depuis son arrivée en France. Des connaissances lui ont rapidement trouvé une chambre d’étudiant peu onéreuse où il a vécu pendant trois ans. Depuis qu’il est diplômé, il est retourné chez sa mère à Antony : « La vie y est agréable, cool, la nature est toute proche ».

Il a noué des amitiés sincères avec des étudiants issus de milieux très différents, avec qui il a voyagé un peu partout en France. Il a pris distance avec ses amis syriens, mais ressent le besoin de découvrir des pays comme l’Égypte, le Liban, l’Irak ou le Maroc.

Hazem conclut : « La chance et les rencontres ont joué un grand rôle dans ma vie, l’envie aussi. Je pense que nous menons les choses. Pour les cinq ans à venir, ma priorité sera de me bâtir une solide expérience de travail. Je suis passionné par la vie professionnelle. Le design de meubles et d’espaces m’intéresse, même si je ressens comme un manque technique : j’aimerais apprendre la ferronnerie ou l’ébénisterie. Mais pour l’instant, j’ai besoin de revenus fixes, il me faut des fiches de paye et des avis d’imposition, mon but étant de demander ma naturalisation…car je veux pouvoir voter. ».

Il est aisé d’imaginer qu’Hazem va mener sa barque avec détermination, profitant de sa capacité à faire de bonnes rencontres, de sa force de travail et de la chance qui, à n’en pas douter, va continuer de l’accompagner.

Propos recueillis par Anne-Marie

Mars 2024

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