Fatoumata, une réfugiée qui s’intègre « en Tandem »

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Ce qui frappe quand Fatoumata raconte son histoire, c’est la précision avec laquelle elle cite les dates. Chacune correspondant à une nouvelle marche gravie depuis son enfance en Côte d’Ivoire pour arriver à Paris où elle vit désormais. En France, elle construit chaque jour la vie qu’elle a choisie,  avec Abibata sa fille de 10 ans, son travail, le bébé qu’elle attend, son compagnon, ses amis et l’association Tandem.

Tandem Refugies - Fatoumata

 

Fuir la violence

« Mon père est mort en  1989, j’avais 2 ans et demi. Ma mère était la deuxième femme, elle a dû se remarier avec le petit frère de mon père».

A 19 ans, Fatoumata est mariée de force et enfermée à son domicile. En 2007 elle donne naissance à une fille, Abibata. Des violences conjugales et familiales s’abattent sur elle sans qu’elle puisse obtenir une protection de la part de la police et de la justice de son pays. Fatoumata finira par confier sa fille à une voisine pour fuir la Côte d’Ivoire et demander asile en France. Elle part avec l’espoir de retrouver sa petite fille dès que sa situation le lui permettra.

Premiers pas en France

En octobre 2014, Fatou arrive à Orly avec un passeport emprunté. Un passeur l’amène à la Gare du Nord, et l’abandonne là. Elle a 30 € en poche, dort dans la gare, rencontre un homme qui parle la langue bambara du Mali. Il appelle des amis, chez qui Fatou va s’occuper des enfants et du ménage. Elle est soulagée, elle a un toit et de quoi manger.

Fin 2014, elle commence les démarches auprès de l’OFPRA et se demande bien « dans quel panier on va la mettre ». Elle est guidée vers la CIMADE : « C’était difficile de me repérer dans Paris, je suis arrivée un jour qui n’était pas consacré aux réfugiés. Quand je suis revenue, c’est Blandine qui s’est occupée de moi ».

Fatou raconte : « Dieu sait faire les choses ! Blandine a été d’un grand soutien, elle m’a aidée sur tous les plans, m’a emmenée à la paroisse où on m’a donné des vêtements, a payé mes lettres recommandées.  Elle m’a dit d’arrêter de pleurer et m’a écoutée comme personne avant dans ma vie. Elle a écrit mon histoire, a monté et suivi mon dossier de procédure d’asile jusqu’à l’ouverture de mes droits. En 2015, j’ai obtenu mes papiers de protection subsidiaire. »

Fatou a des  papiers, mais elle sait qu’il reste beaucoup à faire, qu’il ne faut rien lâcher.

L’aventure Tandem

L’association Tandem prend naissance début 2016 : « Une fois qu’on a obtenu ses papiers il reste encore tellement de problèmes à résoudre ! C’est pour trouver des solutions pour nous que Tandem a été créé. Nous les réfugiés en sommes aussi à l’origine, c’est grâce à nous qu’est venue l’idée ! Un Tandem c’est deux personnes sur un vélo, qui se suivent et s’accompagnent ».

Courant 2016, Fatou quitte la famille dans laquelle elle travaillait et cherche un autre emploi. Les réunions de Tandem ont lieu les jeudis. Fatou y rencontre Pascale qui l’aide à rédiger son CV et à le diffuser.  Elle décroche un entretien dans un restaurant du Louvre, mais n’est pas embauchée car elle ne parle pas anglais. En mai 2016, grâce à Tandem, elle obtient son premier emploi chez Paul à Orly : « C’était difficile mais cela reste un grand souvenir ».

Les CDD se  succèdent, mais sans carte de séjour pas de CDI possible. Pendant cette période, Fatou reçoit tous les trois mois un récépissé qui atteste du dépôt de sa demande de titre de séjour à la préfecture, ce qui l’autorise à séjourner en France.

Pascale relance son CV. Fatou a un premier contrat de remplacement chez Paul à la Gare du Nord (étonnant retour dans ce lieu si marquant de son histoire), puis signe un CDI début janvier 2017.

A Tandem, Fatou a une marraine, Armelle, avec qui elle peut échanger et faire des sorties. Elle regrette d’être obligée d’espacer les rencontres, prise par son travail, sa grossesse, son besoin de repos, et avoue que tant que sa fille n’était pas près d’elle, parfois elle n’avait le goût de rien.

Elle a aussi une accompagnatrice, Marie-Astrid : « C’est une bosseuse, elle m’a beaucoup aidée et elle prend très régulièrement de mes nouvelles. Elle a rassuré l’assistante sociale lors de ma recherche de logement. Elle a solidifié mon dossier, garanti mon sérieux, dit que j’étais courageuse. ». Depuis un peu plus d’un an,  Fatou loue un deux-pièces dans le 12ème.

Avec ce logement, le moment est venu de faire venir Abibata à Paris. Le dossier est confié au chargé du regroupement familial à la CIMADE.

La famille réunie

Abibata arrive à Paris en mai 2017 : « Marie-Astrid m’a aidée pour l’inscription à l’école à la mairie. En France, on ne connait pas nos droits, on est souvent refoulés. Tout a été réglé en une semaine ».L’enseignante constate que le niveau d’Abibata est trop faible pour le CE2, et la directrice de l’école donne rendez-vous à Fatou : « j’y suis allée seule, je n’ai pas souhaité qu’on m’accompagne ». Sa fille est maintenant en CM1, elle s’est bien adaptée et fréquente en parallèle une classe UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants).  Isabelle, une bénévole de Tandem, fait du soutien scolaire pour Abibata une à deux heures par semaine.

Fin décembre 2017, Fatou obtient enfin son titre de séjour.

Envisager l’avenir sereinement

Tandem organise des pique-niques, des weekends, des soirées karaoké, des rencontres mensuelles autour d’un verre,  des sorties pour se détendre, des cafés : « Ça me permet de rencontrer des gens d’autres pays et les français de l’association, c’est comme une grande famille. On discute de tout, ils me donnent du courage. Ma fille connait des enfants d’autres réfugiés, elle se fait des amis ».

Fatou est enceinte, sa grossesse est suivie par une sage-femme à l’hôpital. Elle mesure sa chance  de vivre en France, une de ses sœurs est décédée des suites de son accouchement en Côte d’Ivoire faute d’avoir pu payer pour une césarienne.

Elle n’a pas de soucis particuliers et sait que Marie-Astrid et Tandem sont là en cas de besoin. Elle espère vivre bientôt avec son compagnon.

De Tandem Fatou dit : « Le mot  merci est trop petit ! Franchement il suffit de demander, toute l’équipe est disponible et à l’écoute ».

Elle sait que l’association s’attaque à un nouveau défi, celui très compliqué du logement. Grâce à Tandem Habitat, d’autres réfugiés trouveront, comme elle et ses enfants, un endroit pour se construire une nouvelle vie.

Interview réalisée par Anne-Marie

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