Sara, 22 ans, syrienne, étudiante aux Arts Décoratifs

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Tandem Refugies - Sara, 22 ans, Syrienne

Ma mère est arrivée en France en octobre 2015. Mon frère jumeau Ahmad et moi, nous l’avons rejointe en février 2016. Nous sommes originaires de Soueïda au sud de Damas. J’étais étudiante en 2ème année d’architecture à Damas et mon frère étudiait le génie civil à Lattaquié. Notre mère, qui est psychologue, a voulu quitter la Syrie avec nous, pour notre sécurité et pour que nous puissions construire notre avenir. Après l’attentat de 2013 à l’université d’Alep et les combats et destructions à Homs, presque toutes les universités de Syrie ont été fermées, on ne pouvait pas continuer à étudier. En juin 2015

la situation en Syrie était très critique.

Notre père architecte est resté en Syrie où il a une activité régulière. C’est un déchirement, mais il nous a poussés à partir et à tout quitter pour recommencer notre vie en France.

La naissance de ma vocation d’artiste

Mon père est un artiste, il dessine très bien, et un de mes cousins suit des études dans la mode. J’ai toujours dessiné, surtout pendant l’enfance et à nouveau quand j’ai eu 18 ans. Je pratiquais aussi la photo argentique, j’adorais le travail de labo photo. Mais à Soueïda, c’est difficile d’exercer un métier artistique, il y a un seul musée, pas de galeries d’art. J’ai commencé à aller pour cela à Damas, mais la guerre a tout arrêté.

Mon arrivée en France 

Notre priorité était d’apprendre le français que nous ne parlions pas du tout (note de la rédactrice : Sara parle un français précis, sans accent). Pendant un mois nous avons suivi des cours dans une association à Nanterre. Ensuite, mon frère et moi sommes allés à la Sorbonne pour nous perfectionner.

Pour apprendre, j’ai écouté parler les gens, regardé la télévision (mais c’est difficile), et surtout des films sous-titrés. Je voulais absorber la musique de la langue. La compétition avec mon frère était rude et motivante, on se moquait de nos erreurs, on surveillait le vocabulaire que l’un avait et l’autre pas encore.

Comment j’ai connu Tandem ?

Ma mère a rencontré Blandine à la Cimade. Avec Tandem, nous avons participé à toutes les activités proposées, c’était une grande chance pour s’intégrer, la vie sociale est très importante. Ma mère continue à participer à beaucoup d’activités de Tandem. Elle prépare un master à l’EHESS.

Blandine nous a aidés d’un point de vue administratif, pour trouver du travail et multiplier nos contacts. Je fais du babysitting et mon frère fait des shootings et travaille dans des restaurants.

Pendant un an j’ai préparé mon dossier en vue du concours d’entrée aux Arts Déco. Deux personnes de Tandem m’ont beaucoup aidée : Lise m’a emmenée voir des expositions et les galeries d’arts ; elle m’a conseillée pour la constitution du dossier et pour les lettres de motivation. Louisa, qui est artiste peintre, m’a ouvert son atelier et m’a permis d’y travailler aussi souvent que je pouvais pour m’exercer.

Le concours que j’ai passé en février 2017 est très sélectif. J’ai été reçue.

Mes premières expositions : des portraits de migrants dont on ne parle souvent qu’en termes de chiffres, de nombre de morts, de noyés.

Mon amie Emma, une étudiante en 2ème année aux Beaux-Arts, a créé un programme pour les réfugiés (cours d’art et de français) et j’ai été invitée à participer à une exposition collective qu’elle a organisée dans ce cadre.

Je suis inspirée par des films militants comme « Persépolis » ou « Valse avec Bachir ». J’ai été très marquée par le film documentaire de Sam Kadi « Little Gandhi » qui relate l’histoire du militant pacifiste syrien Ghiyath Matar. Durant les évènements du printemps 2011, il a combattu les balles en distribuant des bouteilles d’eau sur lesquelles étaient fixées des fleurs. Décédé à 26 ans de façon tragique, il est devenu à travers le monde une figure iconique de la résistance. Ces thèmes m’intéressent.

Me recréer une famille en France, grâce à Tandem et mes amis artistes

Tandem nous aide au niveau administratif, nous soutient pour la recherche de travail, de logement, de bourses, organise des rencontres autour d’un café, d’une séance de cinéma, d’un pique-nique, de spectacles.

L’an dernier ma mère et moi sommes allées en vacances dans la maison louée par Tandem en Normandie, et en Bretagne chez Cécile, notre marraine.

Je pense tous les jours à la Syrie où mon père, une grande partie de ma famille et mes amis d’enfance sont restés.

Je reste en lien avec eux par Skype et les réseaux sociaux. Mais nous ne rentrerons pas en Syrie, et je dois recréer une famille ici.

 

Propos recueillis par Anne-Marie

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