Attentats et liberté d’expression. Qu’en fait-on à Tandem ? 

Tandem se donne pour mission d’accompagner des personnes ayant reçu un permis de séjour et le droit de travailler après avoir obtenu la protection de la France. L’association propose une aide sur le chemin de l’insertion professionnelle , première marche de l’intégration, sujet que l’actualité nous encourage à réinterroger.

L’automne dernier, la France a été victime d’une nouvelle série d’attentats terroristes islamistes mettant en cause des personnes issues de l’immigration. Ces dernières ont revendiqué leurs actes au nom d’Allah associant par leurs cris les musulmans de France.

Comment vit-on cette situation à Tandem ? Comment les réfugiés de l’association, majoritairement musulmans, perçoivent-ils les évènements ? 

Au Bureau de Tandem, passés les moments de deuil national et d’effroi, nous avons décidé de dialoguer avec les personnes réfugiées que nous connaissions le mieux : celles qui ont fait entièrement le parcours de deux ans à Tandem et avec qui nous restons en contact amical. L’idée n’était pas de débattre mais, plus modestement, de s’écouter mutuellement, d’échanger nos points de vue et nos émotions. En plein confinement, nous n’avions que nos téléphones pour initier une conversation sur le ressenti de chacun face aux attentats.

Si nous avons partagé avec toutes ces personnes un bout de route, nos différences de cultures demeurent. Devant l’horreur des actes commis et notre propre sidération, nous n’arrivions pas à anticiper ce que nous allions entendre.

Avions-nous oublié que les personnes que nous accueillons ont payé personnellement un lourd tribut au combat pour la liberté ? Les attentats ont fait ressurgir chez chacun, des évènements personnels insupportables. Certains se sont même coupés des medias pour pouvoir dormir la nuit tant l’actualité réactivait des angoisses encore trop vivantes. On a entendu : «  C’est comme au Soudan ! » ou bien : « Il y a trop de souvenirs qui reviennent quand je vois des gens qui en tuent d’autres pour des opinions ». Certains nous ont dit que la politique internationale et l’ingérence étrangère avaient davantage à voir que l’Islam avec ces actes qui visent  à déstabiliser « le pays de la Liberté ».

Et les caricatures ? Un seul, récemment accueilli chez Tandem,  les a évoquées. En tant que musulman, elles l’ont blessé : «  On ne peut pas se moquer du prophète.  Critiquer les musulmans oui, mais la religion c’est  interdit ! ». Quelle surprise pour lui d’apprendre que la loi française permet exactement l’inverse…

Dans un second temps, Tandem a publié un message  d’apaisement et d’appel au dialogue sur le WhatsApp communautaire.  

Les accompagnateurs de Tandem ont ensuite échangé avec les personnes qu’elles accompagnent, et qui sont en France depuis moins de 3 ans pour la plupart. Une partie d’entre elles ne maitrisent pas assez le français et gardent, comme principale source d’informations, le bouche à oreille de leur communauté, les réseaux sociaux et les médias de leur pays qui ne sont pas toujours favorables à la France. Le dialogue avec tous a toujours été ouvert et vécu dans un vrai climat de confiance. Mais la connaissance de la langue qui donne l’accès à l’information en français manque pour certains.
Pour les autres, il était clairement acquis que la liberté à la française était une valeur à défendre. On peut remercier tous ceux qui enseignent le français aux étrangers. Leur engagement est indispensable non seulement à l’insertion professionnelle mais aussi à la compréhension de la culture qui les accueille.

Nous  avons aussi posté sur notre groupe WhatsApp des chansons sur la liberté, signe de notre attachement à cette valeur commune. Grâce au partage de musiques en différentes langues : swahili, lingala, arabe, mahorais et français, nous  avons célébré ensemble « La Liberté ».

Oui, célébrer la liberté !… Mais laquelle ? Comment expliquer la culture française en matière de liberté ?

La relation personnelle a toujours été au cœur de nos engagements. A Tandem, chaque bénévole porte la mission d’expliquer la France aux nouveaux arrivants. Si les notions de liberté d’expression, de fraternité et de laïcité ne sont pas faciles à comprendre pour celui ou celle qui arrive de loin, il nous a semblé évident que le moment était venu d’en parler ensemble !

Blandine Lebrun, Présidente de Tandem Réfugiés