Naudys, fuir le Venezuela pour sauver sa vie

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Naudys et Maria

Naudys est originaire du Venezuela, de Quibor dans l’état de Lara. C’est une ville connue pour son artisanat et ses productions agricoles, oignons et tomates.

Pour la première fois depuis que je rencontre des réfugiés pour la newsletter de Tandem, on me confie le texte écrit à la main qui expose les événements ayant causé le départ du pays d’origine, en vue de l’entretien avec l’OFPRA*. Je suis très touchée par cette marque de confiance.

On y lit que Naudys était opposant au régime de Maduro. En 2017 il s’est trouvé fortuitement piégé sur le chemin de son travail par un groupe armé qui molestait des manifestants. Dans sa fuite, ils ont tiré sur lui à balles réelles. Furieux de ne pas l’avoir attrapé ou tué, les militaires ont exercé pendant deux ans des représailles, le harcelant ainsi que sa famille, avec menaces de mort, chantage et extorsion d’argent. Très atteint psychologiquement et ne voyant pas d’issue à ce calvaire, il économise pour pouvoir venir en France, où il arrive en octobre 2019, à 24 ans.

Avant ces évènements, Naudys vivait paisiblement : « Ma famille, c’est le plus beau cadeau de ma vie. Malgré la séparation de mes parents on était tous très liés. J’habitais avec ma mère qui peint des objets folkloriques. J’ai quitté le lycée pour aller travailler avec mon père dans son atelier de carrosserie. J’ai deux enfants, Naiver 6 ans et Naiberlys 2 ans. J’aime pratiquer la peinture hyperréaliste. Ma passion, c’est la customisation des voitures ».

S’appuyer sur une chaîne de solidarité

Naudys est venu en France pour rejoindre sa sœur María qui vit ici depuis cinq ans. Assistante comptable, elle est mariée à un français.

Avec émotion, elle me raconte « en visio » comment, tout en travaillant, elle a mis toute son énergie pendant une année pour aider son frère dans ses démarches administratives, son intégration, ses devoirs de français, y compris pendant la période de confinement : « Naudys était très perturbé, il ne se sentait pas en sécurité, il ne dormait pas. Il a été suivi par un psychologue. Pendant mes vacances, je lui ai consacré tout mon temps. »

Ils décrivent les longues files d’attente de nuit, dans le froid, pour accéder aux bureaux de la préfecture, puis pour obtenir les renouvellements de récépissés de demande de titre de séjour.

A la Cimade de Cergy-Pontoise, un avocat bénévole conseille à Naudys d’entrer en contact avec Blandine, la présidente de Tandem. C’est elle qui l’accompagne pour préparer l’entretien avec l’OFPRA, María s’occupant de monter tout le dossier.

L’entretien fait remonter l’angoisse accumulée et s’accompagne de beaucoup de pleurs… la réponse positive de l’OFPRA arrive une semaine après, ce qui est très rare.

Naudys raconte : « Madame Blandine m’a expliqué le rôle de Tandem, et depuis que j’ai mon statut de réfugié, je fais partie de cette belle association. Pour l’apprentissage du français, j’ai commencé avec « Un fil pour tous » à Cergy, avec des cours à distance. Par la suite, le Conseil Départemental m’a proposé de suivre un cours intensif de trois mois à la Smart Académie à Chanteloup-les-Vignes ».

Naudys adore Odile, son accompagnatrice chez Tandem, qui est pour lui un véritable ange gardien. Elle l’oriente dans ses démarches administratives et scolaires, elle l’intègre à la société française et lui apprend beaucoup de choses sur tout : « C’est une merveille de personne. María et moi nous l’aimons énormément ».

Pouvoir perfectionner son ancien métier : une vraie chance

Naudys rêvait de trouver un travail dans son domaine : « Je connaissais déjà bien le métier de carrossier puisque je l’exerçais avec mon père. Blandine et Odile m’ont parlé d’une Journée Portes Ouvertes « Métiers de l’automobile » et comme c’est ma passion, elles m’y ont accompagné ».

Il entre à l’AFORPA à Issy-les-Moulineaux pour y préparer un CAP de carrossier en deux ans en alternance. Le chargé d’apprentissage de l’école l’aide à trouver un patron : « Odile a donné un bon coup de pouce en le contactant pour lui expliquer ma situation. Je fais mon apprentissage dans le garage Sérénicar à la Défense, ça me plaît beaucoup et je sais qu’on apprécie mon travail. »

Odile décrit Naudys comme un jeune homme avec une volonté et un courage incroyables. Bien qu’il ait quitté l’école assez tôt, il travaille dur les matières scolaires du CAP : il prend un réel plaisir à apprendre les maths, l’histoire, la géographie, l’éducation civique et le français. A 25 ans, il est en classe avec des adolescents de 15-16 ans souvent moins intéressés que lui. Il impressionne ses professeurs par sa motivation.

Encore quelques difficultés, et beaucoup d’espoir

Même s’il reste quelques difficultés, Naudys organise déjà la suite. Il reçoit un salaire comme apprenti et une aide de la CAF, ce qui lui permet d’être totalement autonome financièrement.

Il va commencer à mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir passer son permis de conduire, celui qu’il avait au Venezuela n’étant pas valable ici. C’est indispensable de l’avoir dans ce métier, car il doit déplacer les véhicules, et plus tard il en livrera.

Son français écrit et oral reste à améliorer, mais il se fait bien comprendre.

Naudys n’envisage pas un retour au Venezuela : « J’ai subi des évènements très éprouvants et marquants, et j’aurais vraiment peur d’y retourner. J’appelle ma mère et mes enfants tous les jours. »

Ses plus grands espoirs sont de retrouver sa famille, de faire venir ses enfants en France, de finaliser ses études avec si possible une troisième année de spécialisation en peinture automobile… et qui sait, d’avoir un jour son propre garage ?

« Je vais travailler dur pour pouvoir obtenir tout ça », dit-il avec conviction.

Sans aucun doute, María et son mari l’aideront à gravir toutes ces marches, avec bienveillance et affection.

Un message sur le groupe WhatsApp de Tandem est arrivé un beau matin de novembre : Naudys y disait sa joie d‘avoir enfin sa carte de séjour !

Sûr que cela lui donnera encore plus d’énergie pour réaliser tous ses rêves !

Propos recueillis par Anne-Marie

* OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. L’organisme créé en 1952 veille à ce que les droits des réfugiés et des apatrides soient respectés selon le droit international.

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